Julien est parti
"L’ange gardien de nos lectures, si grand, si expéditif économiseur de notre temps. Celui qui, devant un compte rendu enthousiaste, un titre qu’on nous vante, un livre qu’on hésite à acheter, nous souffle à l’oreille, gentiment, décisivement, toujours obéi : « Non. Pas celui-là ! Laisse. Celui-là n’est pas de ton ressort. Celui-là n’est pas pour toi. »
Quand il m’est arrivé par la suite de me trouver dans l’obligation de le vérifier, je n’ai eu guère à revenir sur le bien-fondé de cette abstention spontanée. [...] Tout volume mis dans le circuit semble être le lieu d’une émanation sui generis qui guide vers lui en aveugle, toutes les antennes alertées, un certain public et en écarte un autre, par l’effet d’une étrange sexualité littéraire."
Carnets du grand chemin, Julien Gracq